3/31/2007

Art et démocratie par Jean-Marie Champion

Théâtre : « Art visant à représenter devant un public, selon des conventions qui ont varié avec les époques et les civilisations une suite d’évènements où sont engagés des êtres humains agissant et parlant . » Le Petit Robert
« Le théâtre est-il en crise, aujourd'hui, en France ? La crise et le déséquilibre sont consubstantiels au théâtre. C'est ce qui le met en position d’interpréter le monde, le rend sensible aux craquements, aux tensions, ce qui en fait une matrice de pensée et un lieu de démocratie. » Emmanuel WALLON (le Monde du 18 février 2007)
L’énoncé d’E. Wallon n’est pas le seul paradoxe qui pourrait ouvrir un débat sur la place singulière du Théâtre dans la société française d’aujourd’hui… D’autres, sur le fond ou sur les formes, peuvent s’y ajouter :

1) Comme tout vieillard, son histoire de… vieil art lui consacre une présence tout à la fois d’expérience, de connaissance, de sagesse de quelqu’un qui a “de la bouteille”. Toutefois, il souffre aussi certainement des difficultés d’agilité, de mobilité, liées justement à son grand âge… (+ de 2500 ans) surtout face à son grand et jeune fils, le Cinéma (un peu plus de 100 ans).

2) La nature du Théâtre fait de l’individu tout entier, de son corps, de son mental, de sa sensibilité, l’instrument même de cet art et la nécessité presque vitale de constituer un collectif (un groupe, une compagnie, une troupe) pour exister et un public pour se réaliser.

3) Par suite, le théâtre est un art qui, pour exister, pour être réel en ce monde, nécessite la mise en présence d’au moins deux personnes (acteur et spectateur) dans un instant présent, vivant et par essence toujours fragile dans la « re-présentation » de ce vivant. Dans le même temps, cet art présente une résistance naturelle, congénitale, si j’ose dire, à une industrialisation que le cinéma, de son côté, a si bien (peut-être trop bien) réussi. Dans notre « Hypersociété », même commercialisé, le théâtre reste une aventure artisanale, vouée à une certaine confidentialité, relative suivant les spectacles, mais absolue en regard de l’industrie cinématographique.

4) Son lien structurel avec l’Etat, et par suite de la décentralisation, avec les collectivités locales et territoriales (les nouveaux « princes » du Théâtre), le rend tributaire d’expertises et de leur arbitraire mais permet aussi une certaine permanence des structures et à travers elles, des emplois culturels.

5) L’intermittence du spectacle, héritée des Trente Glorieuses, est plus un traitement social particulier d’une catégorie socio-professionnelle qu’un statut. Cette exception culturelle française, de part son fonctionnement même et de son rattachement à l’économie privée (UNEDIC), est du plomb si on la considère d’un point de vue strictement hyperlibéral. Par contre, c’est de l’or si on la considère du point de vue du foisonnement artistique qu’elle fertilise et de la solidarité sociale qu’elle déploie.

6) La présence du Théâtre dans la société d’aujourd’hui conjugue un art élitaire écrit, joué et professionnalisé comme tel et un art populaire pouvant être pratiqué par tous et chacun en amateur. Le plus souvent, ces deux univers (professionnels et amateurs) s’ignorent totalement.

Ils n’ont même pas le même ministère pour tutelle institutionnelle. C’est dans l’éducation (école du spectateur, ateliers de pratique) qu’ils se retrouvent dans une dynamique unique au monde (partenariat enseignant-artiste), fondamentalement différente du Drama, activité théâtrale pratiquée dans les pays anglo-saxons.

D’autres éléments pourraient renforcer encore ce paysage paradoxal dans la société d’aujourd’hui, mais pour conclure cette présentation et l’ouvrir sur des interrogations passionnantes (et quelque peu… dramatiques) quant au lien du Théâtre avec la démocratie, il est un fait historique fort troublant. Le théâtre est venu au monde, en Grèce, dans le même temps que l’invention de la démocratie (et de la rédaction de la première histoire, l’Enquète d’Hérodote). Son (premier ?) déclin a coïncidé à Rome avec l’émergence des jeux du cirque et de la dictature. Nous avons de quoi méditer (et agir) avec l’écrivain et metteur en scène Jean Jourdheuil qui voit dans cette coïncidence historique de la dérive du théâtre vers le spectacle et de la démocratie grecque vers la dictature romaine, une anticipation du monde d’aujourd’hui : « Le spectacle par excellence c’est, à la télévision, l’actualité en direct (…). Les spectacles de ce genre n’appellent pas de commentaires en termes de “vraisemblance”, “conduite de récit”, “unité d’action”, “effet cathartique”. Nous éprouvons seulement, derrière notre télévision, à l’abri de nos frontières de la compassion ». Par les temps qui courent, nous ne manquerons pas de rapprocher ce consumérisme émotionnel, compassionnel, de la “quantité de cerveaux disponibles” chère à certaines chaînes de télévision.

Jean-Marie CHAMPION
Metteur en scène
Directeur artistique du Théâtre Grandeur Nature et du Paradis (galerie verbale) - Périgueux - 24
Délégué artistique des Didascalies, Festival de Théâtre lycéen – Périgueux

3/30/2007

Déclaration adoptée par le Conseil d'Administration de la Ligue de l'enseignement de la Dordogne du 21 Mars 2007

« Eveilleurs de conscience », en tant qu'association d'éducation
populaire attachée au développement d'une citoyenneté active et à la
lutte contre toute les formes de discriminations, La Ligue de
l'enseignement de la Dordogne tient à dénoncer haut et fort le projet
de création d'un « ministère de l'immigration et de l'identité
nationale », porté par N. Sarkozy, un candidat déclaré républicain,
actuellement en tête dans les sondages pour l'élection présidentielle.
Les candidats d'extrême-droite n'ont trouvé à ce projet qu'un seul
reproche, celui d'une « petite opération de racolage » sur leurs
terres, c'est dire la nature de ce projet... Voilà une tonalité qui
sonne outrageusement dans la France des Lumières et des droits de
l'Homme...

La conjugaison de ces termes laisse perplexe car elle laisse supposer
que l'immigration est le principal problème de cette identité. Nous
appelons à regarder la question de l'immigration sans idéologie
nationaliste et loin des sondages, mais avec objectivité et beaucoup
d'humanité.

Comme le rappelait Lucie Aubrac « Le mot résistance doit toujours se
conjuguer au présent ».

En cette journée mondiale de lutte contre le racisme, la Ligue invite
à rester vigilants, et surtout, à dénoncer les amalgames !