4/28/2007

La plume comme épée

Introduction

Par delà nos besoins biologiques, notre premier besoin est celui de communiquer. Que ce soit grâce à des assemblages de sons ou de signes, il nous faut se comprendre. Le langage crée l’homme, le fait grandir, le socialise, le malmène parfois, mais finit par l’apaiser. Ne dit-on pas d’un propos qu’il peut être blessant ? La langue sert aussi à faire : à faire croire, à faire ressentir, à faire obéir, à faire taire.
La parole, elle, peut se prendre, se dispenser, se garder, on peut en être digne, on peut la donner, la reprendre, etc. Elle est synonyme d’engagement, elle a valeur de promesses. Pourtant s’il fut une époque où donner sa parole, suffisait comme garantie, aujourd’hui, nous en doutons. L’écriture est devenue, tranchante comme l’épée.
Comment en sommes-nous arrivés à ne plus croire ceux qui nous parlent. Comment, uniquement par des mots le pouvoir peut-il contraindre ou avilir toute une population, c’est ce que je vous propose d’essayer de comprendre dans cet exposé.

Le langage.

J’imagine que le langage remonte au début de l’humanité et que très rapidement le besoin de communiquer s’est avéré nécessaire. Le fait qu’aujourd’hui encore, il existe 5000 langues parlées sur notre planète, sont les témoins de cette nécessité. Le langage n’est pas neutre, il va de l’amour à la mort, il éloigne les hommes, les rapproche, les fait rire ou pleurer, pourtant, ce ne sont que des mots. Ces mots servent à l’échange, viennent ensuite les insultes puis les coups. Leur interprétation, due au fait que chacun possède un héritage culturel et historique, va varier d’un individu à l’autre. De tout temps des tribuns ou de grands hommes (Malraux, Jaurès) ont fait trembler les foules par leur verbe.
L’utilisation que chacun va faire du langage modifie l’image que nous nous faisons de lui. Les mots servent à signer ses propos, à marquer un discours, à se rendre audible, visible et lisible. Ceux qui ont un son noble ont toujours de belles images. Certains n’hésitant pas à en jouer, les conseillers en communication, gourous des temps nouveaux, ont de beaux jours devant eux.
C’est ainsi que si les dialogues ont permis d’éviter des guerres, la propagande en a justifié d’autres. Les discours sont donc très importants. Alors, on écoute celui du président pour savoir si le pays va bien. On attend la météo pour savoir ce que l'on fera demain. On attend les informations de 20 heures pour savoir à quoi on a échappé.
Les tenants d’un pouvoir conscient de sa puissance, se sont emparés de cette arme. Aidés par les médias, ils ont codifié son utilisation, rendus hermétique sa diffusion aux seuls initiés. Et voila notre citoyen à nouveau dépossédé du débat public, un mot, une phrase inaccessible venant de le reléguer au niveau des ignorants.
César peut commencer à discourir, nul ne viendra plus le déranger.

Quels sont les différents langages.

Le politiquement correct.

Le politiquement correct est un langage qui prohibe tous termes et expressions discriminantes, certains sujets, certains termes politiques, mais aussi la pensée qui en suscite l'usage. Le politiquement correct est «ce qu'il faut dire», la manière convenable de dire les choses en société. À l'opposé, certains privilégient le franc-parler. Il existe par conséquent plusieurs «politiquement correct» nécessitant dans les deux cas, un mode d'expression qualifié, des termes adéquats et un réapprentissage de sa manière de parler.
Avec le franc-parler, la plume est trempée dans l’acide. Les faits de langage révèlent des tendances, contaminent par ondes successives notre perception. L’amalgame «Arabo-musulman» laisse penser que tous les arabes sont musulmans. Un jeune issu de l’immigration, n’est plus un fils de portugais.
Le «politiquement correct» instaure, lui, une autocensure et joue du sentiment de culpabilité, la faute consistant à employer des mots «discriminants». Son succès repose également sur son apparente objectivité scientifique. Les termes inventés ont l'apparence d'une description neutre, de plus ils fournissent un nouveau mode de pensée peu exigeant et prêt à l'emploi.
Quelques exemples de politiquement correct : un aveugle est devenu un non voyant, une bavure un dommage collatéral, les pauvres deviennent les plus démunis, les pays pauvres des pays en voie de développement, un obèse est désormais une personne forte, un vieux une personne du troisième ou du quatrième âge, quant au bombardement d'un quartier il s'agit désormais d'une frappe chirurgicale. Imaginons un instant ce que serait devenu « mon vieux », si Daniel Guichard l’avait remplacé par « troisième âge » dans sa chanson ?

Autre langage : la langue de bois

La langue de bois est une déformation, une reformation du langage, souvent incapable d'exprimer les choses avec un minimum d'authenticité, de nuances. C'est un assemblage de formules, de phrases toutes faites, incapable d'exprimer les choses avec exactitude. Cette langue de bois existe naturellement dans toutes les sociétés, à des degrés divers, porté par le conformisme ambiant. Elle est souvent un moyen d'éviter le face-à-face direct avec la réalité. Employée en politique, elle sert à dissimuler un manque d’informations précises sur un événement ou un projet. Soit, en proclamant des banalités abstraites et pompeuses, soi en jouant sur les sentiments plus que sur les faits. Une forme particulière de langue de bois est la logorrhée (ou le blabla) qui cherche à noyer l’interlocuteur sous un flot de paroles inutiles. Ceci, dans le but de faire passer une idéologie. Elle permet d’éviter de répondre à une question précise, de ne pas attirer l’attention sur un argumentaire défaillant, de ne pas choquer un interlocuteur, de dissimuler une vérité désagréable, de cacher des objectifs réels inavouables, d’échapper à une contradiction, de faire adhérer à une idée en donnant l’impression de s’intéresser aux préoccupations du plus grand nombre…



Pour vous familiariser à la langue de bois, je vous propose ci-dessous un petit cours très simple à utiliser (document issu de front laïque N°53 de Mars 2006).


Commencez par la case en haut à gauche, enchaînez avec une case de la 2éme colonne, puis avec une de la 3éme colonne et enfin n’importe laquelle de la 4éme. Revenez ensuite ou bon vous semble en colonne 1 pour enchaîner au hasard. Mais surtout, n’oubliez pas d’y mettre de l’intonation et de la force de conviction….

Mesdames, messieurs, la conjoncture actuelle doit s’intégrer à la finalisation globale d’un processus allant vers plus d’égalité.
Je reste fondamentalement persuadé que la situation d’exclu-sion que certains d’entre vous connaissent oblige la prise en compte encore plus effective d’un avenir s’orientant vers plus de progrès et plus de justice.
Dés lors, sachez que je battrai pour faire admettre que l’acuité des problèmes de la vie quotidienne interpelle le citoyen que je suis et nous oblige tous à aller de l’avant dans la voie d’une restructuration dans laquelle chacun pourra enfin retrouver sa dignité.
Par ailleurs, c’est en toute connaissance de cause que je peux affirmer aujourd’hui que la volonté farouche de sortir notre pays de la crise a pour conséquence obligatoire l’urgente nécessité d’une valorisation sans concession de nos caractères spécifiques.
Je tiens à vous dire ici ma détermination sans faille pour clamer haut et fort que l’effort prioritaire en faveur du statut précaire des exclus conforte mon désir incontestable d’aller dans le sens d’un plan corres-pondant véritablement aux exigences légitimes de chacun.
J’ai depuis longtemps (ai-je besoin de vous le rappeler), défendu l’idée que le particularisme dû à notre histoire unique doit-nous amener au choix réellement im-pératif de solutions rapides correspondant aux grands axes sociaux prioritaires.
Et c’est en toute conscience que je déclare avec conviction que l’aspiration plus que légitime de chacun au progrès social doit prendre en compte les préoccupations de la population de base dans l’élaboration d’un programme plus humain, plus fraternel et plus juste.
Et ce n’est certainement pas vous, mes chers compatriotes, qui me contredirez si je vous dis que la nécessité de répondre à votre inquiétude journalière, que vous soyez jeunes ou âgés, entraîne une mission somme toute des plus exaltantes pour moi : l’élaboration d’un projet porteur de véritables espoirs, notamment pour les plus démunis.



La propagande

Les dictatures ont aussi leurs langues de bois faites, elles aussi, de phrases préfabriquées, qui s'imposent à l'ensemble de la société. Des lors la plume devient sergent major ne laissant plus la place a l’enseignement, elle devient commandement. Totalement pervertis, ces langages finissent par donner un sens contraire aux mots et sont tout aussi obligatoires que la langue de bois : celui qui ne les parle pas se signale immédiatement comme un opposant, qui peut suivant le cas passer pour un mauvais coucheur ou bien être enfermé. Ils ne visent pas à adoucir la réalité mais à diminuer la capacité de penser, afin d'assurer le contrôle politique des hommes d'État.

On peut repérer deux principaux types de langage utilisés par les dictatures.

Le premier langage s’appelle la novlangue. Imaginé par Orwell dans 1984, il s’agit d’un langage ayant subi une simplification lexicale destinée à rendre impossible l'expression d'idées subversives et à éviter toute formulation de critiques. L'idée sous-jacente à la novlangue est que si quelque chose ne peut pas être dit, alors cette chose ne peut pas être pensée durablement, faute de renforcement par l'échange. Peut-on par exemple désirer être libre si l’on ignore ce mot ? D’autre part, elle formate les esprits des locuteurs, crée des disciplines, des associations, des habitudes mentales. La réalité historique n’est pas loin de ce modèle cauchemardesque. Ex : l’ex langue de bois soviétique ou la LTI (la langue du IIIéme Reich) fonctionnaient sur ce modèle.
Le deuxième langage s’appelle propagande. Largement utilisé en temps de guerre par les deux côtés des belligérants, il utilise de nombreux symboles (drapeaux, images,…) mais il est aussi très populiste. Hitler avait son ministère de la propagande. Aujourd’hui, dans nos démocraties, la propagande est plus insidieuse. L’homme bombardé d’informations n’a plus le temps de prendre du recul, il à donc besoin de points de repères, d’explications, c’est ce que lui fournit la propagande. Paradoxalement, plus on est informé, plus on est prêt pour la propagande. D’abord à cause du temps de travail nécessaire à la compréhension, ensuite parce que l’on ne dispose que de détails qui occultent le contexte.

Dernier langage : Les jargons hermétiques

Je regroupe, sous le terme «jargons hermétiques», tous les langages émanant de scientifiques, d'experts etc. Loin de la vulgarisation, ces dialectes incompréhensibles, permettent aux initiés de se retrouver entre eux et leur donnent une aura, un pouvoir sur les candides que nous sommes. Ils sont la propriété des hommes de lois, de médecins, de corporations. C’est ainsi que face à nos peurs (une maladie par exemple) ils vont : nommer, proposer, ils vont mettre des mots sur nos angoisses et pour cela nous leur confèrerons un pouvoir infini. Ils ont donc besoin de nouveaux mots, parfois disproportionnés par rapport à la réalité. Par exemple on avait le suivi, maintenant nous avons la traçabilité. On n’est plus angoissé on est spasmophile…


Construction de ces langages

Ces différents langages, outre le fait qu'ils nivellent les différences entre ceux qui les écoutent, donnent à chaque membre de la société un sentiment de force collective. De plus, diminuant l'effort de pensée, ils sont beaucoup plus faciles à être acceptés par tous. En supprimant les termes discriminants, on supprime la tentation même du mal, puisqu'il n’existe plus de mots pour le désigner. C'est ainsi que tout ce qui désigne une différence, une distinction (en bien ou en mal), tout terme visant à exprimer une différence doit être supprimé et remplacé par une description abstraite. Exemple : «un technicien de surface» n'est pas dégradé face à un «président - directeur général », car les deux locutions non plus de liens avec le réel. Cet égalitarisme a deux versants, le premier relativiste : tout se vaut, aucun jugement ne prévaut sur un autre. Le second dogmatique : celui qui dit le contraire en bien ou en mal est intolérant. Tocqueville disait «celui qui ne pense pas comme le maître est mis au ban de la société, ce despotisme est plus lourd pour quelques-uns que celui de la tyrannie, mais il est moins odieux et avilissant pour le plus grand nombre».
L'univers mental de ces langages est celui de la faute, de la rédemption. Les hommes ne sont pas victimes de mauvaises institutions ou de mauvaises structures économiques. Tout vient de leurs mauvaises pensées ou paroles, d'où ce devoir d'éviter les mots pervers. L'impératif d'aimer et de respecter indistinctement toutes les religions, les ethnies, les sexualités, les cultures, etc. sans en préférer aucune, même en pensées ou en paroles fait peser le risque d'un péché permanent.
Cependant, il existe des limites à ces langages. Avec leurs formes abstraites, sans lien avec le réel, ils deviennent insuffisants pour élaborer une pensée critique nouvelle.

Quelques exemples :

COMMUNIQUER : la communication consiste à diffuser des idées, que ce soit par les médias, Internet etc.… aujourd’hui tout le monde communique, pourtant ce n’est pas au travers d’un journal ou d’un communiqué que l’on vous demande votre avis, c’est au travers d’un dialogue.

CRISE : si avant le terme CRISE était accompagné d’un complément (crise de quelque chose), aujourd’hui on ne parle plus que de la crise. Nous donnons ainsi une connotation de crise, donc théoriquement passagère à une situation durable. La crise économique dure elle depuis 1970.

EMPLOI : emploi a désormais remplacé le mot travail. Signe qu’il est essentiel aujourd’hui que les hommes soient «employés» à faire quelque chose.

FUTUR : plus on parle de futur moins on parle d’avenir, l’avantage est qu’en parlant de futur on ne risque pas de se compromettre avec des promesses.


S D F : le terme SDF pose problème, car il définit un homme par ce qu'il ne possède pas «un domicile fixe». Mais si être sans domicile fixe caractérise un homme, que penser des peuples nomades ? Faut-il avoir un domicile pour être un homme ? Et peut-on avoir un domicile qui ne soit pas fixe ? Il faudra donc veiller à ne pas faire disparaître des êtres humains derrière un sigle.

Et puis il y a tout les autres mots. Ceux qui vous collent comme un vêtement, qui appartiennent aux enfants, aux adultes. Ceux des riches et ceux des pauvres. D’ailleurs si Mr Riche s’amuse à répéter les mots des pauvres (SMIC, chômage, HLM), Mme Pauvre se demande pourquoi on dit toujours « pauvre con » et jamais « riche con » ?

Autre modification du langage, nous sommes entrés dans la période des «non». On connaissait les non voyants, voici venus les non croyants, les non inscrits, la non discrimination. On est aussi dans la période des «sans», les sans papiers, les sans logis, les sans emploi, les sans droits… nouvelle manière de décrire une situation ou quelqu’un en utilisant ce qu’il n’est pas ou n’a pas. Disparus les bénéfices, au profit des résultats nets et des retours sur investissement. Il n’est plus question de lutte de classes. On préfère «segmenter» la population pour y découvrir des «couches sociale» d’une rassurante horizontalité. Exit les prolétaires, les opprimés, les exploités. Aujourd’hui ceux qui vivent dans la misère sont des «exclus» qui, du coup, ne sont plus victimes d’un système mais responsables de ce qui leur arrive.

La plume comme épée

Nous l’avons compris, ces langages n’ont qu’un seul but : permettre aux propriétaires d’un pouvoir d’assurer leur pérennité.
Les mots ne sont pas importants, c’est le sens qu’on leur donne qui l’est devenu. On entend ainsi de plus en plus de mots détournés de leur sens. Par exemple face aux attentes des citoyens : on les trouve moroses. Un premier ministre trouve qu’ils n’ont pas une « positive attitude ». Si les médecins avaient l’exclusivité des traumatismes, voici que nos politiques ont pu diagnostiquer des fractures, heureusement «sociales».

Qui dissémine ces langages ?

_Je crois que nous les premiers utilisons tous ces langages. Suivant la personne avec laquelle nous conversons, nous employons : langue de bois, propagande ou socialement correct. Qui peut se vanter de toujours dire la vérité, de n’être jamais allé dans le sens des propos de quelqu’un, même si nous en pensions le contraire ? Par extension, tous les hommes qui veulent en soumettre un autre utilisent le langage. Harcèlement moral et réprimandes sont communs dans l’exercice d’un pouvoir.

_Ensuite les religions qui par leur propagande peuvent maintenir le fanatisme ou leur main mise sur les populations. Pour rappel, cela fait 4000 ans que nous sommes sous le dictat de dix commandements.
_Le marché, qui nous a fait passer de la culture de la croyance à celle de l’incroyance. Nous sommes ainsi passés d’un discours visant à soumettre les hommes à un dieu vengeur à un discours visant à les soumettre au dieu de la consommation qui, lui, les rendra heureux. Les entreprises ont modifié elles aussi leur discours par ex: entreprendre c’est positif, patron c’est autoritaire donc le CNPF (centre national du patronat français) est devenu le MEDEF (mouvement des entreprises de France). Par contre, on ne sait plus si le mot «affaires» a trait aux activités économiques ou à des scandales financiers.

_Les médias s’y mettent aussi : employant de plus en plus le conditionnel, cela leur permet de faire de l’audience sans assumer de responsabilité. Le ton employé est devenu relativement neutre, passant ainsi d’une entreprise qui licencie aux soldes qui approchent, pour finir par la mort de dizaines d’innocents dans un attentat. Les présentatrices jouent aussi avec leur corps, fermant les yeux en fin de phrase.
Pouvoir, langage, médias, voila la nouvelle trinité. Nous critiquons la FOX ou CNN mais au service de qui sont nos propres médias ? Hommes politiques, présidents de multinationales ? Qui décide de ce qui peut être dit ou pas? Le quatrième pouvoir se révèle désormais être le plus puissant de tous, il exerce ses activités pratiquement sans contrôle et de manière extrêmement efficace. En 2005, Serge Dassault, patron du groupe Dassault, voulait que son journal «le Figaro» produise des informations intelligentes. Désormais dans notre pays, l'opinion est faite par la télévision qui, grâce aux progrès de la technique, s'est introduite dans tous les foyers. Le "grand public" est ainsi conditionné, le plus souvent à son insu, à tout instant et dans tous les actes de l'existence. On estime qu’un parisien est soumis à environ 2500 messages publicitaires par jour. Il est devenu le réceptacle passif d’informations abstraites. En spectateur éduqué, il lui arrive de ne pas consentir et de critiquer. Critique sans portée, qui n’a d’autre effet que de rassurer le spectateur sur lui-même. Certaines chaînes n’hésitant plus aujourd'hui, à vendre du temps de cerveau disponible à de grandes sociétés.

_Le pouvoir politique est aussi un grand amateur de rhétorique, que ce soit au travers :
De slogans : Tous les candidats ont aujourd’hui le leur, c’est même devenu un des éléments primordiaux d’un marketing électoral (ordre juste, la France en grand…). Qu’elle est la différence entre un « just do it » de NIKE et une «rupture tranquille» d’un candidat à l’élection présidentielle ? Les deux tentent de nous vendre un concept.
La provocation : vouloir « karchériser une cité », c’est vouloir faire réagir les gens au travers d’un mot qui n’existe pas dans le dictionnaire. C’est aussi jouer la provocation en parlant d’un plombier polonais.
La langue de bois : avec des mots martelés : socle commun, valeurs, zone de non droits, fin de l’autorité, tolérance zéro, démission de la famille ou la présence maintenue des mots : démocratie, république,…, dans les discours.
Les promesses : on parle d’objectifs à long terme, permettant ainsi de promettre sans s’engager.
Les discours nationalistes : utilisé comme symbole d’une identité, un langage peut diviser un pays. C’est le cas pour le basque ou le breton. Alors qu’ils habitent le même pays, les belges sont eux coupés entre les Wallons et les Flamands. On pourrait se demander pourquoi il y a aujourd’hui une résurgence de ces anciens langages ?

Pourquoi ces langages ?

La première raison me semble émaner du marché. Celui-ci à besoin de stabilité, de progression, il lui faut des consommateurs dociles. La publicité, la mode, le marketing y participent. Seulement pour faire adhérer à un discours il faut plus que des mots, il faut que les individus en partagent les valeurs.
Prenons par exemple la peur : distillée sans cesse, elle permet tout d’abord d’annihiler toute pensée. Elle permet ensuite un renforcement des lois sécuritaires et du contrôle. Enfin, personne ne pouvant vivre constamment sous la peur, le fait d’acheter permet de calmer les angoisses. Cela marche aussi très bien avec d’autres émotions.
La deuxième raison est que l’Etat ne peut pas suivre en permanence l’opinion publique, au risque de changer sans arrêt de politique et de s’exposer à tous les dangers de l’irrationalité. Chargé de projets colossaux (Ariane, TGV, nucléaire…), il ne peut pas se permettre cette fantaisie. Reste un dilemme, si un gouvernement ne peut pas suivre l’opinion publique, il ne peut pas y échapper non plus. Il faut donc que ce soit l’opinion qui suive le gouvernement. L’Etat doit donc donner aux citoyens le sentiment que ce sont eux qui ont voulu ces décisions, voila le rôle dévolu à la propagande aujourd’hui. Comme le disait Noam Chomsky «ce que l’état totalitaire fait par la force, la démocratie doit le faire par la propagande».
Les dirigeants des démocraties sont donc tenus à deux taches, la 1ére contrôler les mouvements (ceux qui ne sont pas d’accord ne sont pas des adversaires, mais dans l’erreur, parce que mal informés), la 2éme convaincre la population ; il faut recoller le «vivre ensemble», donner l’illusion d’une cité unie ou l’on pratique l’écoute, la proximité, le terrain.

Quelles sont les conséquences :

Nous l’avons vu, un public contrôlé émotionnellement est en situation de réceptivité passive et admet plus facilement les idées qu’on veut lui inculquer. Les hommes isolés étant par définition sans pouvoir, la propagande n’hésite pas à provoquer cet éloignement favorisant l’individualisme. La propagande veut faire accepter par tous, la conviction que personne ne peut jamais rien changer à rien, provoquant ainsi la désertion des citoyens de la «chose publique»
La diffusion d’idées émanant de groupes privés ou le pluralisme des propagandes contradictoires, n’ont rien d’un débat d’idée qui fera sortir le citoyen gagnant. Malaxé par la propagande, il se réfugie dans la passivité, vidé de ce qui fait la démocratie même.
Une autre conséquence est que la surabondance d’informations oblige le citoyen à utiliser un tiers pour son décryptage (journaliste, chercheur, etc.). Face à des événements éloignés, parfois complexes, il ne s’engagera pas et préférera en déléguer la gestion à un autre tiers : Etat, ONG, etc.… Cette déconnexion entre le citoyen et l’événement le maintient dans la passivité et le consentement plutôt que l’action.

Solutions :

Faut-il pour autant renoncer à toutes informations ? Non, car d’abord nous ne pouvons pas vérifier par manque de temps toutes les vérités que l’on nous assène tous les jours, il nous faut donc en accepter certaines pour exactes au risque de ne plus rien croire. Et ensuite parce que je pense que nous adhérons plus à des valeurs qu’à des discours. Quelque part faisons-nous confiance.

Récupérer le langage : par exemple ce que font les jeunes avec leurs propres mots. Il faut restaurer les dialogues et non plus les discours. Il faut veiller à garder une richesse à nos langues pour éviter d’en perdre les nuances. Il ne faudra pas hésiter à le faire évoluer, à le diversifier, le rendant ainsi plus difficile pour quelqu’un à se l’approprier.

S’assurer de la liberté de presse, refuser son appartenance à des groupes financiers ou à une main mise de l’Etat. Favoriser le développement des services culturels publics. N’oublions pas que les médias ont peur du silence.

Revalorisation de l’expérience directe (le face à face) comme moyen de limiter les effets de la propagande.

Il existe aussi des langages sans frontières. Par exemple : la musique, poésie de la langue qui transmet émotion et sensibilité, le mime qui donne à pleurer et à rire.

Et enfin pratiquer le doute, commençons si vous le voulez par mon exposé puisqu’il n’est que le reflet de ma pensée et qu’il cherche à vous convaincre de mon idéologie sur ce sujet. Il vous appartient donc de la critiquer, de vous l’approprier, de l’enrichir afin qu’il ne reste pas un exposé propagandiste….

Pour Conclure.

Nous l’avons vu le langage est important et son utilisation n’est pas sans conséquences. La plume, provenant de la douceur de l’oiseau gratta tant de condamnations que l’épée ne fut jamais pire. Nous pensons ne pas être dupes, savoir reconnaître la propagande. Pas si sûr, car elle n’a rien à voir avec le mensonge. Elle présente des chiffres chocs, des données sans références, et donne au final une interprétation qui en dénature le sens. Elle n’hésite plus non plus à faire témoigner des figures publiques pour marquer du sceau de la respectabilité son message.
Avant d’atteindre la société Orwellienne, un réveil devient souhaitable. Si la politique devient une machine à mettre des idées dans la tête des gens pour pouvoir les exploiter ou un appareil à administrer les conflits, c’est que l’on a oublié l’essentiel. Un retour aux sources s’impose, peut être au fondement même de la démocratie pour retrouver cette santé politique qui permettra un vivre ensemble.

Philippe COURTEIX

4/01/2007

La plume comme épée



Cercle Condorcet du Périgord

La plume comme épée.

1789 : prise de la bastille et fin de la monarchie, le peuple élit désormais ceux qui les gouvernent, les obligeant ainsi a se justifier.
1938 : Wells annonce aux Américains « les extraterrestres ont envahit la terre » provoquant une mini panique. Il souhaitait démontrer la puissance de la persuasion des médias et l’apparition d’un flou entre la réalité et la fiction.
Orwell (1984) « Qui commande le passé : commande l’avenir. Qui commande le présent : commande le passé ».

Le pouvoir ne s’obtenant plus par le droit divin ou salique mais par les urnes, les prétendants doivent désormais convertir à leurs idées les citoyens du pays. Désormais tous ceux qui ont à prendre ou à défendre un pouvoir vont user de cette arme efficiente : le langage.

Quels sont leurs moyens, qui les utilisent et pourquoi ? Questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cet exposé.

Philippe COURTEIX

Le pouvoir de la langue

mercredi 25 avril à 18 h 15 - 82 avenue Georges Pompidou

Ligue de l'Enseignement




Bibliographie :

LQR la propagande au quotidien (Eric Hazan Edition : Raison D’agir)
Les nouveaux pouvoir (Guillaume Dasquié : Flammarion)
Excès de langage (jean louis Houdebine Edition : Denoël)
Mode d’emploi de la parole magique (Pierre Bonnasse : Dervy)
Petit lexique de la langue de bois (Thérèse MERCURY : l’Harmattan)

Textes de : Jacques Ellul, Hannah Arendt…
Internet : wikipédia, l’encyclopédie de l’agora, François Bernard Huyghe…

Comment faire société dans ce monde obscur

" Quel est ce monde obscur, dit un homme de théâtre, où l’air se raréfie où la parole n’a plus de valeur, où ceux des grands peuples de l’oralité sont chassés comme des chiens errants parce qu’ils n’ont pas de papiers, après que l’ont ai sucé le sang de leur terre ? "
Quel est ce monde obscur où l’on foule aux pieds les gamins paumés des cités ?

Quel est ce monde obscur où s’entrechoquent ces mots terribles : chômage de masse, précarité, démantèlement social, aggravation des inégalités, dominations et discriminations de toutes sortes…et puis misères et puis souffrances encore et encore ?
Quel est ce monde où tu n’as plus le droit d’être homme, où tu n’existes que comme client ou marchand (ou supporter), où tu ne vivras bientôt qu’au détriment de l’autre, où la pire bassesse sera acceptable si elle rapporte ?
Quel est ce monde absurde calqué sur le pire d’une déjà vieille Amérique qui se croit libre et qui bâtit des miradors et qui n’a rien à voir avec l’Amérique qu’on aime ?