2/19/2009

Crise en Guadeloupe : sortir de l'inextricable

INFOS-LIGUE
Crise en Guadeloupe : sortir de l'inextricable
Depuis un mois, la crise s'embrase en Guadeloupe. Elle se radicalise dans le contexte de crise économique et sociale générale.

Le LKP (Liyannaj Kont pwofitasyon) qui signifie « Alliance contre les abus de pouvoir », regroupe 49 organisations, syndicats et associations guadeloupéens dont notre fédération régionale. Le LKP brandit des revendications de pouvoir d'achat tout autant que de reconnaissance sociale et culturelle, ce qui, en creux, dépeint une réalité prégnante de cette région-département d'outre-mer de 410.000 habitants.

Manifestement, le mouvement LKP, issu du syndicalisme et de la société civile, exprime l'exigence d'une nouvelle politique de l'Etat, économique, sociale et culturelle pour la Guadeloupe, mais au-delà pour tous les DOM, qui doit vraisemblablement dépasser les revendications sur lesquelles le conflit se cristallise. Le fil du dialogue semble difficile à nouer. Jusqu'à présent, Le gouvernement n'a pas su mesurer la profondeur de la crise, ni la prendre au sérieux et encore moins la gérer. Le LKP fait front et tient la rue, avec une présence massive des jeunes dont 55,3 % de moins de 25 ans sont au chômage.

Comment sortir de la crise et de l'affrontement ? Le mouvement LKP utilise à dessein certains symboles de la crise (des références à la crise guadeloupéenne de 1967 présentée comme annonciatrice du mois de mai de l'année suivante). Déjà le mouvement s'est étendu aux autres dom, Martinique, Guyane et Réunion. En métropole, elle pourrait donner des idées à des revendications sociales déjà très nombreuses. Ce qui rend encore plus urgente une sortie de crise afin aussi d'éviter les violences et le drame (à l'heure où nous publions cet article, nous apprenons la mort par balles d'un homme lors d'affrontements avec la police). Le gouvernement doit faire preuve d'écoute, de volonté de dialogue véritable, de prise en compte réelle des besoins économique et sociaux de la population, et de respect des engagements pris.

12/18/2008

URGENCE MOBILISATION GENERALE PETITION NATIONALE

URGENCE MOBILISATION GENERALE PETITION NATIONALE
LES ASSOCIATIONS EDUCATIVES COMPLEMENTAIRES DE L'ENSEIGNEMENT PUBLIC EN DANGER DE MORT .

Le site de la mobilisation pour la sauvegarde des associations complémentaires est ouvert. Signez et faites signer la pétition nationale lancée par les associations complémentaires de l'Enseignement public : http://www.pourleducation.fr/ .

A ce jour, plus de 65 000 signatures ont déjà été recueillies. Ne relâchons pas l'effort

Reprise d'Infos-Ligue le 8 janvier 2009

11/21/2008

Humanisme et Laïcité : Condorcet, précurseur de la Loi de 1905 ?

« Séparé absolument de l’établissement politique de la société, un prêtre n’est plus qu’un homme. » Condorcet (1792)


La problématique de la séparation des Eglises et de l’Etat chez Condorcet est à la fois méconnue et originale. Méconnue, car victime de l’hagiographie républicaine et, originale, car elle exerça une influence sur le déroulement des débats préparant la loi de 1905. Condorcet a influencé la philosophie du radicalisme . Entre 1903 et 1904, deux ouvrages de Franck Alengry et de Léon Cahen, disciple d’Alphonse Aulard, contribuèrent à la diffusion du penseur des Lumières . Un fil direct relie donc Condorcet et les hommes de la Troisième République.
Nous voudrions rendre compte ici de la complexité des positions condorcétiennes et de leur unité au sein de la philosophie républicaine : ce penseur reprend l’héritage des Lumières, notamment de Voltaire et le traduit au sein de la Révolution française. Condorcet, sur la problématique de la Séparation, signale même des « erreurs » à ne pas commettre.
Allons plus loin : Condorcet adopte une méthodologie qui, pensée avant la Constitution civile du clergé et, a fortiori, avant le Concordat, indiquerait par avance les failles éventuelles de toute approche partielle de la Séparation. Cet « en deçà » serait même un « au-delà » : Condorcet pourrait ainsi nous aider à mieux lire la loi de 1905 et son devenir actuel.
En un premier temps, nous voudrions insister sur la cohérence de la conception condorcétienne de la Séparation. En un deuxième temps, nous voudrions montrer comment cette synthèse de Condorcet se transforme en un programme institutionnel et politique précis, à partir de 1789. Enfin, nous insisterons sur l’actualité de cette approche.

I. Condorcet, philosophe de la Séparation

Dans les années 1770-1789, Condorcet élabore une théorie des relations du pouvoir politique et des religions. Cette méditation se nourrit de la lecture de Voltaire, auquel il consacre un ouvrage très instructif, une Vie de Voltaire, en 1787. Il analyse aussi de près les causes de l’échec de Turgot dans sa Vie de Turgot, publiée en 1786. Enfin, il analyse le sort réservé aux protestants sous l’Ancien Régime, dans ses Pièces sur les protestants, publiées en 1781. Ces textes rendent compte sans complaisance des situations créées par le cléricalisme religieux, sur le sort des juifs, des femmes, des noirs et des exploités en général. Beaucoup de pages dénoncent la collusion entre les pouvoirs politiques, religieux et économiques (par exemple dans la critique du Code noir, alors en vigueur dans les colonies).
Mais jamais Condorcet ne s’en prend à la religion en tant que telle. Dans son Eloge de M. de l’Hôpital, datant de 1777, nous le voyons attaquer les abus de la religion et non la religion :

« Je parlerai des atrocités que le fanatisme a inspirées, sans craindre que ceux qui aiment la religion puissent m’en faire un crime. Si la religion a été établie pour le bonheur des hommes, par un Dieu leur père commun, certes, ce n’est pas elle qui allume des bûchers et ordonne des massacres.
Je dirai qu’il y avait des abus dans l’Eglise : comparez les mœurs de notre clergé, ses lumières, l’ordre qui règne dans l’exercice de sa juridiction, la morale qu’il enseigne au peuple, avec ce qu’était au seizième siècle ce même clergé, et osez prétendre qu’il n’y avait point alors d’abus à réformer » .

Pas de haine contre la religion mais une vive critique des dérives cléricales de celle-ci, dans une veine toute voltairienne.
L’expression « séparer la religion de l’Etat » figure même pour résumer un chapitre de Voltaire dans l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations . Cette formule est le point de départ de la réflexion de Condorcet : elle est dans le droit fil de Voltaire qui, le 19 mars 1765, écrivait à Elie Bertrand : « Il faut séparer toute espèce de religion de toute espèce de gouvernement. » Le souhait de Voltaire va être fondé et théorisé chez Condorcet, qui va s’appuyer sur sa pratique de savant et d’académicien, mais aussi d’ami des Lumières et de la justice – il contribue au succès de Beccaria et dénonce les erreurs judiciaires de l’Ancien Régime. Il faut souhaiter une séparation des religions et de l’Etat, afin de hâter la fin du constantinisme qui aliène à la fois le religieux et le politique. Condorcet se livre avec précision à une critique historique du constantinisme, dont il résume ainsi les méfaits en 1793 :

« Bientôt le christianisme devint un parti puissant, se mêlant aux querelles des Césars ; il mit Constantin sur le trône et s’y plaça lui-même à côté de ses faibles successeurs » .

En 1787-1789, présentant les œuvres de Voltaire, il écrivait déjà :

« Les troubles religieux, qui ont si longtemps déchiré l’Europe, ont pour première origine la faute que firent les premiers empereurs chrétiens de se mêler des affaires ecclésiastiques, à la sollicitation des prêtres qui, n’ayant pu, sous les empereurs païens, que diffamer ou calomnier leurs adversaires, espérèrent avoir sous ces nouveaux princes le plaisir de les punir. Soit mauvaise politique, soit vanité, soit superstition, on vit le féroce Constantin, non encore baptisé, paraître à la tête d’un concile. Ses successeurs suivirent son exemple, et les troubles qui ont depuis agité l’Europe furent la suite nécessaire de cette conduite. En effet, dès que l’on établit pour principe que les princes sont obligés en conscience de sévir contre ceux qui attaquent la religion de statuer une peine, quelle qu’elle soit, contre la profession ouverte ou cachée, l’exercice public ou secret d’aucun culte, la maxime que les peuples ont le droit, et même sont dans l’obligation de s’armer contre un prince hérétique ou ennemi de la religion, en devient une conséquence nécessaire » .

Le constantinisme eut un double effet pervers : primo une instrumentalisation du religieux par le politique, dont le gallicanisme comme l’ultramontanisme furent les effets en France ; et secundo une instrumentalisation du politique par le religieux, que Condorcet nomme le « machiavélisme des ministres du culte ». Le philosophe n’aura de cesse de dénoncer le retour du religieux au sein du pouvoir politique, notamment en 1793 lors de l’instauration du Culte de l’Etre suprême par les Robespierristes, volontiers admirateurs de l’austère Sparte . Il saura aussi condamner les prêtres qui en 1792 fomentèrent des troubles politiques à l’occasion de l’instauration de la Constitution civile du clergé. Il dénonce toute espèce de « transfert de sacralité » (formule de Mona Ozouf) entre le religieux et le politique.
A cette critique du constantinisme s’ajoute la critique de tout pouvoir à se constituer en ennemi des Lumières ; « l’esprit de secte » opposé à « l’esprit public » guette même la Révolution puis la République . L’idée de Séparation entend neutraliser le retour toujours possible de « l’esprit de secte » au sein du pouvoir politique ; aux croyants de faire le même travail critique au sein de leurs organisations ecclésiales.
Dès lors, se séparant de la religion, l’Etat renvoie la religion à sa destination propre. A charge, pour la République, de neutraliser en son sein « l’esprit de secte » par une promotion de la rationalité humaniste et scientifique, notamment grâce à l’Instruction publique. La République évitera ainsi toute persécution contre les croyants ; la persécution en faisant des martyrs, donne raison à ceux qui ont tort. Condorcet note très finement dans les Pièces sur les protestants :

« Tout catholique convaincu de la vérité de sa religion doit donc désirer que les protestants soient tolérés, puisque la persécution n’est qu’un moyen d’attacher les hommes, indifféremment, à l’erreur comme à la vérité » .

Cette problématique de la tolérance se retrouvera plus tard chez Condorcet : la République en persécutant les croyants se discréditerait et ferait de la « séparation » un « divorce » ! Les hommes de la Troisième République retiendront cette leçon.
Trois conséquences pratiques sont tirées de ces constatations théoriques sur le constantinisme et le danger clérical :
1° une première d’ordre économique et démographique : le monde moderne et l’Etat gestionnaire impose un vrai état civil, qui ne doit plus être tenu par l’Eglise. C’est à l’Etat d’enregistrer les morts, les naissances et les mariages. Il faut laïciser l’état civil.
2° une seconde conséquence d’ordre épistémologique et scientifique : si le politique et le religieux se séparent, un nouvel espace de sociabilité rationnelle se déploie : c’est le projet d’une arithmétique politique, nouvel art social prôné par Condorcet .
C’est la raison critique et non la théologie dogmatique qui constitue l’horizon du pouvoir politique et du droit naturel. Turgot échoua en voulant instaurer cette vision rationnelle du monde car la religion entendait encore contrôler les esprits. Dès 1781, dans les Pièces sur les protestants, Condorcet insiste sur cette nécessaire indépendance de la raison :

« Quant à l’exercice des chaires d’instruction, à l’entrée dans les Académies, l’utilité publique semble exiger que ces places soient accordées à ceux qui ont le plus des lumières et de talents. […] A Alexandrie on n’imaginait point qu’il fallait être chrétien pour exposer les découvertes d’Archimède ou d’Hipparque ; pourquoi ne pourrait-on pas, sans être catholique, exposer celles de Newton ou d’Haller » ?

La séparation de la religion et de l’Etat est requise par l’objectivité du progrès des sciences, des techniques et des lumières. Cette séparation assure donc la promotion d’une raison publique qui verra dans tout vœu majoritaire une figure provisoire du vrai. Cette séparation assure le passage de la démocratie vers la République : l’opinion commune devient une opinion publique !
3° Enfin, une conséquence éthico –philosophique. La critique du constantinisme implique une indépendance de la morale et de la religion et donc la constitution d’un lieu spécifique où les liens éthiques et civiques seront pensés pour eux-mêmes sans le détour par le religieux. Ce lieu sera l’Instruction publique, protégée par la nature laïque des enseignements et des maîtres. Condorcet résume ainsi son analyse :

« L’instruction morale du peuple devrait être absolument séparée et des opinions religieuses, et des cérémonies du culte » .

Ce thème essentiel est repris dans Second mémoire sur l’Instruction publique :
« On doit […] séparer cette morale de tout rapport avec les opinions religieuses d’une secte particulière. […] Il ne faut même pas lier l’instruction de la morale aux idées générales d’une religion » .

Cette thématique est importante car elle donne un aspect positif à l’idée de Séparation. Elle complète la critique du constantinisme : les croyants n’ont rien à craindre de l’idée de séparation, au contraire ; le Rapport sur l’Instruction publique de 1792 précise même :
« Ceux qui croient encore à la nécessité d’appuyer la morale sur une religion particulière doivent eux-mêmes approuver cette séparation : car sans doute ce n’est pas la vérité des principes de la morale qu’ils font dépendre de leurs dogmes ; ils pensent seulement que les hommes y trouvent des motifs plus puissants d’être justes ; et ces motifs n’acquerront-ils pas une force plus grande sur tout esprit capable de réfléchir, s’ils ne sont employés qu’à fortifier ce que la raison et le sentiment intérieur ont déjà commandé » ?

Les croyants sont invités à revenir aux fondements propres à leur foi. La Séparation renvoie l’Etat et la religion à leurs missions propres. Une fraternité humaniste et laïque pourra accompagner sans rivalité la fraternité religieuse. L’amour de l’humanité pourra être partagé par les croyants, comme par ceux qui ne croient pas. En disciple de Voltaire, Condorcet écrit :

« L’intérêt général de l’humanité, ce premier objet de tous les cœurs vertueux, demande la liberté d’opinions, de conscience, de culte ; d’abord, parce qu’elle est le seul moyen d’établir entre les hommes une véritable fraternité ; car, puisqu’il est impossible de les réunir dans les mêmes opinions religieuses, il faut leur apprendre à regarder, à traiter comme leurs frères ceux qui ont des opinions contraires aux leurs. Cette liberté est encore le moyen le plus sûr de donner aux esprits toute l’activité que comporte la nature humaine, de parvenir à connaître la vérité sur tous ces objets, liés intimement avec la morale, et de la faire adopter à tous les esprits : or l’on ne peut nier que la connaissance de la vérité ne soit pour les hommes le premier des biens » .

Cette idée de Séparation est donc indispensable à la fois sur le plan économique, épistémologique et éthique : elle assure le fondement de la thèse républicaine : le progrès des Lumières est une condition des progrès de l’humanité.




II. La Séparation en acte : 1789-1793
La synthèse philosophique, analysée précédemment, s’applique dans l’action de Condorcet, dès le début de la Révolution. Cette action se déploie dans quatre types d’écrits :
1° Des écrits de circonstance, réagissant à chaud aux premières décisions de la Révolution en matière religieuse, notamment avec les questions de la Constitution civile du clergé, des biens ecclésiastiques et des prêtres réfractaires.
2° Des écrits plus réflexifs, jugeant l’action de la Révolution, repérant quelques erreurs, ouvrant des perspectives.
3° Des textes plus législatifs et institutionnels, confirmant le rôle effectif de Condorcet dans le processus de laïcisation à l’œuvre depuis 1789.
4° Enfin des synthèses juridiques et philosophiques, qui résument la théorie condorcétienne de la Séparation : les Cinq mémoires sur l’Instruction civique (1791), le Plan de Constitution (1793).
Nous ne saurions rendre compte de tout ce corpus ; insistons donc sur quelques écrits importants.
Par deux fois, en 1790 puis en 1792, Condorcet présente son programme, traduction de sa théorie de la Séparation :

« Que les actes qui constatent la naissance, le mariage, la mort des citoyens, soient soustraits à une autorité étrangère, et ne reçoivent leur authenticité que d’officiers civils établis par la loi ;
Que la morale fasse partie d’une éducation publique commune à toutes les classes de citoyens ;
Que l’on écarte avec soin de cette éducation toute influence sacerdotale ;
Que les prêtres nous exhortent à remplir nos devoirs, mais ne prétendent plus au droit d’en fixer l’étendue et les limites » .

Ces propositions inspirent l’action du philosophe dans les questions précises qui sont abordées :
1° Condorcet s’oppose au député Dom Gerle qui voulait présenter le catholicisme comme religion officielle de la France (Décret du 13 avril 1790).
2° Condorcet ne souhaite pas spolier les ministres du culte, lors du débat sur l’usufruit des biens ecclésiastiques. Il dénonce toute persécution.
3° Condorcet, lors du débat sur la Constitution civile du clergé, rappelle son attachement à la Séparation et à la liberté du culte, mais signale la contradiction qu’il y a à continuer à salarier certains ministres du culte. Il y voit des germes de discorde. Dès le 12 juin 1790, il résumait ainsi sa position :

« Toute religion doit être libre dans la constitution de son clergé, dans sa discipline, dans son culte comme dans ses dogmes. Le pouvoir de l’autorité civile se borne à réprimer ce qui serait contraire aux droits des citoyens. […] Ainsi l’unique but d’une constitution ecclésiastique, donnée par les représentants de la nation, doit être d’empêcher les ministres de la religion de former un corps dans l’Etat, de contracter un esprit particulier : surtout s’ils enseignent la morale, la constitution doit les empêcher de former un système de morale théocratique calculé sur leurs intérêts, qui, au lieu de se perfectionner par le progrès de la raison humaine, tende au contraire à la retarder ou à l’égarer, et qui ait pour objet, non d’éclairer les hommes sur leurs devoirs, mais de les gouverner par les terreurs de la conscience » .

4° En octobre 1791, Condorcet reprend la question de l’état civil avec plus d’efficacité et l’on sait que le 20 septembre 1792, la législative sécularisera totalement les actes de l’état civil.
5° Enfin, en septembre 1792, Condorcet suit le vote de l’Assemblée sur la question des prêtres réfractaires .
En 1792, dans un texte synthétique, il résume son action, en faisant parler l’Assemblée nationale :
« La liberté de culte est un des droits de l’homme, et elle doit être établie ; mais la nation ne s’est engagée qu’à payer un seul de ces cultes ; elle ne payera donc que celui dont elle a fait choix : ceux qui en veulent un autre peuvent le suivre à leurs dépens. Les ministres religieux en seront plus chargés de la fonction purement civile de constater les naissances, les mariages et les morts : toute influence sur l’instruction publique leur sera enlevée . »
Dans son œuvre proprement constitutionnelle, Condorcet résumera son action en quelques articles qui méritent d’être cités, car ils auront une grande influence, notamment dans les projets ultérieurs (1795) :
1° Projet de décret sur l’Instruction publique, d’avril 1792 : article 6, titre II : « La religion sera enseignée dans les temples, par les ministres respectifs des différents cultes. »
2° Projet de déclaration des 15 et 16 février 1793 : Article 4 : « Tout homme est libre de manifester sa pensée et ses opinions. » Article 6 : « Tout homme est libre dans l’exercice de son culte. »
Entre 1789 et 1793, on voit donc Condorcet présent sur tous les fronts, cherchant à appliquer concrètement ses analyses théoriques. Il sait à la fois concéder et résister au nom des principes républicains et des valeurs héritées des Lumières. L’ensemble des textes de cette période manifeste un réel intérêt philosophique ; insistons sur leur actualité, dans le cadre du centenaire de la loi de 1905.
III. Actualité de la problématique condorcétienne de la Séparation
Trois leçons méritent d’être tirées :
1° En cherchant dans le constantinisme l’origine de la double aliénation du politique et du religieux, Condorcet jette un regard critique sur les contradictions politiques de l’Ancien Régime, mais nous donne aussi les moyens de comprendre les conséquences d’un nouveau retour subreptice de ce constantinisme dans notre modernité. Il nous permet de comprendre les limites de la Constitution civile du clergé, voire du Concordat. La radicalité de son approche de la Séparation indique les dangers de tout « néo-constantinisme » qui en appellerait à une révision de la loi de 1905, au nom de nouvelles réalités socio-politiques, par exemple. Il nous met ainsi en garde contre tout risque d’auto-sacralisation du pouvoir politique. Le pouvoir politique républicain n’est jamais à l’abri de sa propre sacralisation, comme le redira Clemenceau entre 1903 et 1905. Mais Condorcet fait plus, il prescrit les remèdes en indiquant les dangers : le respect des lois, la liberté de conscience et de culte, l’indépendance des esprits, une solide constitution républicaine et laïque, une instruction publique de qualité.
2° L’Etat républicain ne doit en aucun cas être le persécuteur des religions, sinon il ne ferait que retourner la régression inquisitoriale de certaines religions, et remplacerait le cléricalisme religieux par le cléricalisme politique. Songeons à cette phrase de Clemenceau, le 17 novembre 1903 : « Pour éviter les congrégations nous faisons de la France une immense congrégation . »
Condorcet fait du cléricalisme (« l’esprit de secte ») un danger qui menace les religions mais aussi le pouvoir politique, même républicain. La Séparation immunise la République contre un repli sectaire sur elle-même : ce geste laïque a préservé le républicanisme français contre le totalitarisme. Il peut nous protéger du communautarisme. Défendons la Loi de 1905 : cette dernière garantit plus que la « liberté religieuse » ; elle garantit la liberté absolue de conscience , qui nous laisse le loisir de n’avoir aucune religion et aussi autorise tout examen critique et rationnel des religions.
3° Ultime leçon : Condorcet montre que la Séparation ne saurait être pensée en dehors d’une histoire de la libération continue de l’humanité, à travers les progrès des sciences et des Lumières. L’Etat comme les religions ne doivent pas devenir leurs propres idoles. On mesure l’actualité de cette conception rationaliste, volontariste et humaniste de la Séparation. Cette vigilance condorcétienne se portera donc vers les nouvelles idoles qui pourraient nous fasciner : l’argent, le pouvoir, le communautarisme, la violence. Condorcet institue une République permanente, soucieuse de progrès, de courage et animée par l’amour de l’Humanité.
Charles Coutel université d’Artois

2/09/2008

Pétition : sauvegardons la laïcité de la République

Les organisations et personnalités signataires rappellent solennellement que, selon l’article 1er de la Constitution, la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Ces quatre termes indissociables définissent des principes qui s’imposent à tous, au premier rang desquels le Président de la République. Or, les déclarations récentes de Monsieur Sarkozy, mêlant ses convictions personnelles et sa fonction présidentielle, portent atteinte à la laïcité de la République.
La mise en cause de ce principe constitutionnel indispensable à la paix civile est inacceptable. Depuis 1905, grâce à la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat, la République assure à chaque citoyen la liberté de conscience, garantit sa liberté de croire ou de ne pas croire et de pratiquer le culte de son choix, de n’en pratiquer aucun ou de pouvoir en changer. Elle permet ainsi de vivre ensemble, dans le respect de chacun, quelles que soient ses origines, ses choix philosophiques ou ses convictions religieuses.
Dans notre République et notre société multiculturelle, la diversité doit être richesse et non source de conflit. Pour cela, la laïcité, assurant l’égalité en droit des citoyens dans le respect des lois de la République, permet à la fois l’expression du pluralisme des convictions et la recherche de valeurs communes pour construire une communauté de destin.
Dans un monde aujourd’hui global et de plus en plus complexe, où se multiplient les voies d’accès à l’information et aux connaissances, et où explose la médiatisation des événements et de la pluralité des représentations du monde, seule la laïcité permet l’émancipation de tous en favorisant le libre accès au savoir et à la culture et le discernement de chacun pour un libre choix de vie, par une démarche rationnelle et critique faisant toute leur place au doute, à l’imagination et à la créativité.
C’est pourquoi, les organisations et personnalités signataires s’opposeront à toute tentative qui mettrait, de fait, en cause la laïcité par une modification du contenu de la loi de 1905. A l’heure où nos concitoyens éprouvent des difficultés et des inquiétudes croissantes, elles les appellent à promouvoir la laïcité comme une exigence partagée avec la ferme volonté de bâtir ensemble une société où la justice sociale assurera, quotidiennement, pour toutes et pour tous, la liberté, l’égalité et la fraternité.

Pour signer la pétition : http://www.appel-laique.org/

1/14/2008

PROGRAMME 2007-2008

Thème d’étude de l’année :

Le citoyen comme acteur des mutations de la société




- Mercredi 23 janvier – Jean-François DUPON – Un regard sur l’Arabie Saoudite.

- Mercredi 28 février – Yves BORDE – Glocal : du local au global.

- Mercredi 26 mars – Jean-Marie CHAMPION – Le théatre en jeu de société.

- Mercredi 23 avril – Jacques CHIARAMONTI – Démocratie : Les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

- Mercredi 27mai – Joël BOULLERY – OGM : de la désobéissance civile comme mode d’action.

- Mercredi 25 Juin – Assemblée Générale.




Les exposés auront lieu 82 avenue Georges Pompidou à Périgueux à 18 h 15.

11/22/2007

Statistiques ethniques sans suite

La Ligue de l'Enseignement, à maintes reprises, a alerté l'opinion sur la pente inquiétante de la politique du pays observée ces derniers mois en matière des droits de l'Homme. Ces coups de rabots répétés au socle de valeurs communes qui caractérise la France dans ce qu'elle a de plus digne et exemplaire aux yeux du monde : son humanisme républicain et laïque. Jusqu'où devaient-ils aller ? Identité nationale, ADN, statistiques ethniques... Là ! Le Conseil constitutionnel vient de redresser le cap. « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. » C'est au nom de l'article premier de la constitution que le Conseil constitutionnel a censuré l'autorisation de collecte de données ethniques à des fins statistiques, prévue dans la loi Hortefeux.

La Ligue de l'Enseignement, comme de nombreuses organisations, des intellectuels, des militants des droits de l'homme, s'était inquiétée de cette possibilité, ouverte sans réel débat par un amendement à un texte par ailleurs sans rapport direct avec la question, puisque portant sur des restrictions nouvelles apportées au droit au séjour des étrangers sur notre sol.

En effet, sous couvert d'aider à mesurer les discriminations, la loi ainsi rédigée ouvrait de larges possibilités d'établir des statistiques selon les origines, avec des conséquences opposées à celles affichées par les promoteurs du texte.

La Ligue ne peut que saluer cette sage décision. Pour deux raisons : parce qu'elle est fondée au regard du bons sens et de nos valeurs, et parce qu'elle contribue à ménager un climat social par trop malmené.

8/09/2007

La responsabilité sociétale des entreprises est une pratique judicieuse

La responsabilité sociétale des entreprises est une pratique judicieuse

(Les sociétés ont intérêt à promouvoir le bien-être des collectivités où
elles sont implantées.) (659)

Par Eric Green
Rédacteur de l'USINFO

Washington - Les temps ont changé depuis que le célèbre économiste Milton
Friedman a écrit, en 1962, dans son livre « Capitalisme et liberté » que
les chefs d'entreprise n'avaient pour unique responsabilité sociale que de
maximiser les bénéfices de leurs actionnaires.

Aujourd'hui, les sociétés progressistes se rendent compte que la recherche
de bénéfices ne suffit pas et qu'il leur faut contribuer au bien-être de la
société en général et traiter leurs employés avec dignité et respect. C'est
ce qu'on appelle la « responsabilité sociétale des entreprises », ou RSE.

Selon M. James Viray, directeur du Bureau du département d'État chargé des
questions internationales liées au travail et à la responsabilité sociétale
des entreprises, les sociétés ont diverses raisons de se conduire en bons
citoyens vis-à-vis des membres de leur collectivité, de leur pays et du
monde en général.

Certaines entreprises font preuve de responsabilité, a-t-il expliqué à
l'USINFO le 2 août, « parce qu'elles sont convaincues qu'un tel
comportement est un gage de réussite commerciale, qu'il s'agisse de mieux
faire connaître leur marque, de réduire leurs risques, de garder leurs
employés ou encore d'améliorer la productivité », pour ne citer que
quelques exemples de ses avantages. D'autres le font « parce qu'elles ont
le sentiment que c'est leur devoir », et d'autres encore invoquent une
combinaison de toutes ces raisons.

Le département d'État a adopté ses propres initiatives en matière de RSE,
notamment des « principes volontaires en matière de sécurité et de droits
de l'homme » et un « dialogue général sur le travail des enfants dans le
secteur du cacao », et les sociétés qui y prennent part « s'intéressent
vraiment aux droits de l'homme et aux droits des travailleurs », a fait
valoir M. Viray.

Les principes volontaires sont un ensemble de normes visant à réduire les
risques auxquels est exposé le personnel dans les entreprises et à protéger
les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Le dialogue sur le
travail des enfants a trait à un projet mis en ouvre en Afrique occidentale
en vertu duquel les fonds offerts par les États-Unis aux organisations non
gouvernementales ont servi à l'éducation et à la formation de jeunes qui
avaient été obligés de travailler dans les champs de cacaoyers et les
usines de production de cacao. Grâce à ce programme, quelque 6.000 jeunes
ayant subi les pires formes d'exploitation de leur travail vont aujourd'hui
à l'école.

La prospérité des communautés, a rappelé à l'USINFO M. Larry Palmer,
président de la Fondation interaméricaine (IAF), une institution américaine
qui s'attache à promouvoir le développement en Amérique latine et aux
Antilles, « est propice à la conduite des affaires, et il en est de même
lorsque les entreprises se préoccupent du sort de leur communauté ».

« Lorsque les entreprises et les collectivités conjuguent leurs forces au
niveau local, là où les gens habitent et où ils doivent faire face à leurs
problèmes quotidiens, la société tout entière se porte mieux », a expliqué
M. Palmer, ajoutant que la Fondation avait constaté une généralisation de
la RSE en Amérique latine.

Human Rights Watch et la RSE

Selon M. Arvind Ganesan, de l'organisme Human Rights Watch, (Défense des
droits de l'homme à travers le monde) le comportement des entreprises à
l'égard de la RSE a nettement changé depuis une dizaine d'années.

Il y a dix ans, a-t-il indiqué à l'USINFO, les sociétés auraient peut-être
nié qu'elles aient des responsabilités en matière de droits de l'homme.
Aujourd'hui, toutes les entreprises admettent qu'elles ont certaines
responsabilités dans ce domaine, même si elles ne les assument pas
toujours.

De l'avis de M. Ganesan, la RSE peut se concrétiser lorsque les entreprises
adoptent des règles en matière de droits de l'homme et s'engagent à les
respecter.

Du 23 au 26 octobre, une conférence sur la RSE, parrainée par « Business
for Social Responsability » sera organisée à San Francisco. M. Ganesan doit
y participer ainsi que plusieurs hauts responsables du gouvernement des
États-Unis.

(Les articles du «USINFO» sont diffusés par le Bureau des programmes
d'information internationale du département d'Etat. Site Internet :
http://usinfo.state.gov/fr/)

7/01/2007

Le ministère à l'intitulé troublant

La Ligue de l'Enseignement souhaite s'associer à la pétition lancée par deux cents universitaires et intellectuels français et étrangers contre l'intitulé du ministère de l'immigration et de l'identité nationale.

En tant que mouvement éducatif, nous avons la conviction qu'on ne saurait écrire l'Histoire dans le secret des cabinets ministériels, ni définir par décret ce qui constitue l'identité des Français. Cette identité est mouvante, diverse, métissée, conflictuelle... Vivante, tout simplement. Ce qui peut la menacer, c'est le manque de culture, d'éducation, de débat démocratique ou de solidarité. Certainement pas la venue en France d'hommes, de femmes et d'enfant qui ne demandent qu'une chose, pouvoir comme des millions d'autres avant eux participer à cet idéal européen de paix civile, de prospérité et de démocratie.

En tant aussi que mouvement d'idée qui mène une action éducative de long terme contre les préjugés racistes et xénophobes, et qui promeut les valeurs d'égalité et de diversité, nous savons qu'associer la notion d'identité nationale à celle d'immigration porte le ferment de la division et de la haine, plutôt que du rassemblement sur des fondements communs de nos concitoyens.

En tant que mouvement laïc, enfin, nous savons que les principes politiques qui fondent la République dans laquelle nous nous reconnaissons, ne se défendent pas comme on défend une citadelle assiégée. Au contraire, ces principes se transmettent, se partagent, s'enseignent.

Nous voulons, avec ces historiens, ces intellectuels, ces chercheurs, protester contre la dénomination de ce ministère de l'identité nationale et de l'immigration. Et nous voulons le faire au nom des dizaines de milliers de professionnels et de bénévoles qui font vivre au quotidien l'éducation populaire, bien loin du fantasme d'une " intelligentsia " qui serait la seule à voir en cette dénomination une forme d'infamie.

Liberté, Egalité, Fraternité. Depuis 1789, c'est cela, et seulement cela, l'identité de la France.

6/30/2007

Comment faire société ?

La Ligue de l'enseignement tient son 93e Congrès à la Cité des Sciences de la Villette à Paris, du 28 au 30 juin. Ce Congrès sera suivi de son Assemblée générale les 30 juin et 1er juillet.

En ouverture, M. Jean-Michel Ducomte, président de la Ligue, M. Bertrand Delanoë, Maire de Paris, M. Xavier Darcos, Ministre de l'Education nationale, et M. Abdou Diouf, Secrétaire général de l'Organisation mondiale de la Francophonie, évoqueront la question de congrès. 20 ateliers de débats et de réflexions, et trois tables rondes rythmeront ces journées : " Individualismes, communautés et destin commun, comment faire société ? ", " la Fraternité pour faire société ? " et " imaginer d'autres voies pour faire société ", ce dernier atelier accueillera Mme Christiane Taubira qui aura certainement l'occasion de conjuguer les thèmes de la république et de la diversité.

Ce Congrès marque une nouvelle étape de la Ligue de l'enseignement, première coordination associative française, sur la voie de son développement.

6/22/2007

Nouvelle page gouvernementale

Il ressort des dernières élections législatives une assemblée toujours peu représentative de la diversité de la population française et dont la part féminine place la France dans le peloton de queue des nations. On est encore loin du compte, à tous les niveaux. Néanmoins le pouvoir exécutif peut désormais s'appuyer sur une majorité parlementaire légitimement issue des urnes.

Nous prenons acte de la mise en place du nouveau gouvernement qui, lui, intègre la diversité, la jeunesse et les minorités visibles. La Ligue de l'enseignement ne peut que s'en satisfaire. En dépit de cet état de fait qui, nous l'espérons, n'est pas qu'un affichage, la Ligue s'inquiète que la trace de la vie associative et de l'économie sociale ait été perdue dans la recomposition gouvernementale.

Face à cette nouvelle donne politique où le pouvoir exécutif est central, la Ligue de l'enseignement dont la mission intrinsèque est d'éduquer le citoyen à devenir un acteur éclairé et indépendant, prône une refondation démocratique fondée sur le renouveau de la place du citoyen. En articulation avec la démocratie représentative, le citoyen doit pouvoir avoir les moyens d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. Il doit pouvoir mieux s'engager dans le débat et dans l'action, sans être tenu à l'écart, sinon comment s'étonner qu'il ne réagisse qu'à l'aune de ses seuls intérêts individuels ?

Les prochaines municipales et cantonales de mars 2008 doivent être l'occasion de manifester la prise en compte de cette participation du citoyen. Une meilleure représentation sociale et culturelle et une plus grande part du dialogue civil doivent aussi être possibles.